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Quel est le risque de croiser une personne COVID dans un groupe, connaissant le taux d'incidence ?
Texte mis à jour le 2020-11-19
Quand on est en groupe, on peut se demander quelle est la probabilité qu’une personne porteuse du coronavirus se trouve dans ce groupe. Le groupe peut être une réunion de travail ou familiale, les passagers d’un autobus ou les clients d’un magasin. Plus il y a de gens, plus cette probabilité augmente. Si l’on connaît le nombre de personnes positives pour 100 000 personnes (souvent appelé “taux d’incidence”), il semble assez facile de calculer la probabilité qu’une personne soit positive dans un groupe d’une taille donnée.
Le taux d’incidence, estimé à partir du nombre de personnes ayant eu un test PCR positif au coronavirus, est publié sur les sites officiels, et repris par de nombreux sites et journaux. En France, le taux d’incidence hebdomadaire disponible sur les sites officiels est le nombre de personnes testées positives dans une région sur 7 jours. Cette incidence hebdomadaire des tests positifs peut être utilisée comme une estimation grossière (voir plus bas) de la prévalence du COVID, c’est-à-dire le nombre de cas de COVID-19 à un moment donné dans un territoire.
Pour estimer le risque de tomber sur au moins une personne atteinte de la COVID-19, on peut utiliser une formule très classique en probabilité. Il faut raisonner à l’inverse et calculer d’abord P, la probabilité qu’aucune personne ne soit contaminée dans le groupe. S’il n’y a qu’une seule personne dans le groupe, alors P=(1-Ti) avec Ti le taux d’incidence (donc le taux officiel “pour cent-mille” divisé par 100 000). Si il y a deux personnes, alors la probabilité que personne ne soit contaminé devient P= (1-Ti)2 . Si N est le nombre de personnes du groupe, alors : P= (1-Ti)N.
Enfin, la probabilité qu’une personne au moins soit contaminée dans le groupe est égale à 1-P, ou si l’on préfère les pourcentages, 100 x (1-P).
Dans ce calcul, on fait l’hypothèse que toutes les personnes ont une chance égale d’infection et que la probabilité d’avoir la Covid pour tout individu est indépendante du statut des autres individus. Or ceci n’est pas vrai : les conjoints ont plus de risques d’attraper la COVID-19 que les autres membres d’une famille, par exemple.
Plusieurs sites proposent de faire ce calcul, soit avec les données entrées par l’utilisateur, soit à partir de données “butinées” sur les sites officiels. Ils sont pratiquement tous faits par des bénévoles !
Le résultat de ce calcul n’exprime pas le risque de contracter la maladie, qui dépend d’autres facteurs tels que la durée de l’événement, l’espace dans lequel il a lieu et les mesures de précaution telles que les masques et l’espacement. Combiné à ces facteurs, il permet de mieux évaluer le risque d’attraper le coronavirus dans une situation donnée. Voir notre questionnaire pour évaluer votre risque de contamination dans chaque situation.
Néanmoins, cette probabilité n’est qu’une estimation. Elle doit être interprétée comme une approximation du risque réel et utilisée avec précaution, pour deux raisons majeures :
- On ne connaît pas le véritable taux d’incidence : il faudrait tester toute la population en même temps avec un test à réponse immédiate, qui n’aurait ni faux-négatifs ni faux-positifs. Les taux d’incidence que l’on peut trouver sur les sites officiels dépendent du nombre de personnes testées, de la sélection des personnes et du type de tests réalisés. Comme beaucoup de gens ne se font pas tester, il y a forcément des personnes positives non testées. Certains calculateurs multiplient donc le taux d’incidence par 2, 3, 4 voire 10 afin de prendre en compte tous les cas positifs non testés, mais ce coefficient est lui aussi très approximatif.
- L’incidence cumulée sur une semaine à partir des données de dépistage ne rend pas bien compte de la prévalence au jour donné : les résultats des tests sont communiqués majoritairement après le pic de contagiosité du porteur de virus, donc ce calcul aura tendance à sous-estimer de façon non négligeable le risque lorsque l’épidémie est en progression, et à le surestimer lorsqu’elle est en décroissance. Au final, ce calcul ne sera une bonne approximation que lors des rares périodes où R est très proche de 1.
TOUS PAYS : COVIDTRACKER (interface en français)
Elias Orphelin et Guillaume Rozier proposent un simple calculateur, un peu comme une “calculette”, utilisant le taux d’incidence entré par l’utilisateur.
BELGIQUE, SUISSE : COVIDLAWS
David Berger propose pour la Belgique et la Suisse un “calculateur de risque Covid”. Celui-ci présente pour les provinces belges et les cantons suisses le risque (probabilité en %) d’avoir au moins une personne Covid dans un groupe en fonction de la taille du groupe et de l’âge des gens, du nombre de jours sur lesquels on veut cumuler l’incidence officielle et le biais de constatation par lequel on veut multiplier cette incidence.
ETATS-UNIS
Joshua Weitz et ses collègues ont créé COVID-19 Event Risk Assessment Planning Tool pour visualiser sur une carte des Etats-Unis la probabilité qu’au moins un individu positif soit présent à un événement, en fonction du nombre de personnes dans le groupe et du biais sur le taux d’incidence (à multiplier par 5 ou 10). Le taux d’incidence est calculé sur 10 jours cumulés.
ESPAGNE, ITALIE
La Fondation ISI a réalisé un calculateur qui permet de visualiser sur une carte de l’Italie ou de l’Espagne la probabilité qu’au moins un individu positif soit présent à un événement, en fonction du nombre de personnes dans le groupe, du nombre de jours cumulés pour l’incidence (7 jours ou 10 jours) et du pourcentage d’infections détectées.
FRANCE: estimation du nombre de contagieux basée sur les entrées en réanimation (interface en français)
Florence et Denis Corpet proposent un calculateur basé sur la même formule P= (1-Ti)N. Mais ils estiment la prévalence des personnes contagieuses à partir du nombre d’entrées en Unité de Soins Intensifs (Réanimation), une donnée qui est indépendante du nombre de personnes testées et de la qualité des tests. Ce calculateur peut servir pour tous les pays. Voir la question Combien de gens sont contagieux COVID autour de moi ?
Sources
En France le taux d'incidence officiel correspond au nombre de tests positifs pour 100.000 habitants. Il est calculé de la manière suivante : (100000 * nombre de cas positif) / Population. Le taux hebdomadaire est donc la somme des taux sur 7 jours, ce qui permet de lisser les variations liées au jour de la semaine, en particulier les dimanches dont les données sont très basses par rapport au reste de la semaine. Cela permet aussi de cumuler les tests faits sur une semaine, augmentant ainsi la part de la population testée. Les taux sont par ailleurs standardisés (standardisation directe), sur l’âge (tranches d’âge de 10 ans) et le sexe, la population de France métropolitaine de 2020 servant de population de référence. A compter du 29/08/2020, les indicateurs issus des données de laboratoires (SI-DEP) présentent des taux d’incidence, de positivité et de dépistage corrigés en fonction des dépistages réalisés dans les aéroports à l’arrivée des vols internationaux.
https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/taux-dincidence-de-lepidemie-de-covid-19/Le CDC américain considère que la durée de la période infectieuse typique est de 10 jours et il établit les recommandations suivantes. Pour la plupart des personnes atteintes de la COVID-19, l'isolement et les précautions peuvent généralement être interrompus 10 jours après l'apparition des symptômes et la disparition de la fièvre pendant au moins 24 heures, sans utilisation de médicaments réducteurs de fièvre, et avec une amélioration des autres symptômes. Pour les personnes qui ne développent jamais de symptômes, l'isolement et les autres précautions peuvent être interrompus 10 jours après la date de leur premier test RT-PCR positif pour l'ARN du SRAS-CoV-2.Un nombre limité de personnes atteintes d'une forme grave peuvent produire un coronavirus capable de se répliquer au-delà de 10 jours, ce qui peut justifier de prolonger la durée de l'isolement et des précautions jusqu'à 20 jours après l'apparition des symptômes ; il faut envisager de consulter des experts en matière de contrôle des infections.
https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/hcp/duration-isolation.htmAnalyse de 15 771 enfants âgés de 1 à 18 ans vivant en Bavière en Allemagne, et participant à un programme de santé publique de dépistage du diabète de type 1. Les tests sérologiques détectant la présence d'anticorps détectent 6 fois plus d'enfants infectés que les cas déclarés.
Hippich, M., Holthaus, L., Assfalg, R., Gonzalo, J. M. Z., Kapfelsperger, H., Heigermoser, M., ... & Heck, S. (2020). Public health antibody screening indicates a six-fold higher SARS-CoV-2 exposure rate than reported cases in children. Med.Analyse de 16025 personnes en mars-avril 2020 dans dix régions des Etats-Unis. Les tests sérologiques qui détectent la présence d'anticorps révèlent 6 à 24 fois plus d'infections COVID-19 que le nombre de cas déclarés. Notons qu’à l’époque, les tests PCR étaient peu disponibles.
Havers, F. P., Reed, C., Lim, T., Montgomery, J. M., Klena, J. D., Hall, A. J., ... & Krapiunaya, I. (2020). Seroprevalence of antibodies to SARS-CoV-2 in 10 sites in the United States, March 23-May 12, 2020. JAMA internal medicine.Entre le 25 mai et le 15 juillet 2020, le ministère italien de la santé a réalisé une vaste étude de séroprévalence de SARS-CoV-2 sur un échantillon représentatif de 64 660 personnes. Un taux de prévalence global de 2,5 % a été mesuré, avec un pic dans la région de Lombardie (7,5 %) et en particulier dans la province de Bergame (24 %). En conséquence, le nombre réel d'Italiens qui ont été en contact avec le virus serait presque 5 fois plus élevé que les chiffres officiels rapportés.
http://www.salute.gov.it/portale/nuovocoronavirus/dettaglioNotizieNuovoCoronavirus.jsp?lingua=italiano&menu=notizie&p=dalministero&id=4998Analyse de 105 patients index et leurs 392 cas contact au sein du foyer. Le taux d'attaque secondaire des contacts qui sont les conjoints des cas index est de 28 % contre 17 % pour les autres membres adultes du ménage.
Li, W., Zhang, B., Lu, J., Liu, S., Chang, Z., Cao, P., ... & Chen, J. (2020). The characteristics of household transmission of COVID-19. Clinical Infectious Diseases.Description du site "COVID-19 Event Risk Assessment Planning Tool".
Chande, A., Lee, S., Harris, M., Nguyen, Q., Beckett, S. J., Hilley, T., ... & Weitz, J. S. (2020). Real-time, interactive website for US-county-level COVID-19 event risk assessment. Nature Human Behaviour, 1-7.